L’industrie textile, nous en avons souvent parlé, est la deuxième industrie la plus polluante au monde après la pétrochimie. Belle place sur le podium et, croyez-moi, elle n’a pas démérité !
La faute en est, entre autres, à tous ces composés chimiques entrant à un moment ou à un autre dans la chaîne de production du vêtement : teintures, impressions, traitements assouplissants, anti-flammes, hydrofuges, anti-moisissures, et j’en passe et des meilleures. Parce que la production de la grande majorité des vêtements que nous portons sur Terre se situe presque exclusivement en Asie et que les réglementations encadrant cette industrie n’en sont encore qu’aux prémices, ces produits toxiques sont déversés dans les eaux dont s’abreuve la population locale et finissent dans les sols pour assaisonner les cultures. Miam.
En Chine, il y a même un dicton qui dit que pour connaitre les dernières tendances en matière de mode, il faut regarder la couleur de la rivière…
Des produits toxiques plus près qu’on ne le croit
Ça devrait faire réfléchir tous ces produits chimiques. Pourtant, les habitudes de consommation peinent à changer. Si l’on s’accorde volontiers sur le bien fondé d’une alimentation bio dénuée de pesticides et de produits de beauté sans parabens, mieux choisir ses vêtements n’est pas encore à l’ordre du jour. Pourquoi ? Pourquoi cette prise de conscience générale sur la dangerosité des molécules toxiques qui nous entourent n’arrive-t-elle pas à faire son chemin jusqu’à notre garde-robe ?
Je vais vous le dire, moi, pourquoi : l’Asie, c’est loin.
Loin de moi l’idée de culpabiliser qui que soit, je suis la première à mettre mes tracas du quotidien avant ceux des autres. L’être humain n’est pas fait pour avoir un champ de préoccupations aussi vaste. Nos protections mentales nous aident un peu, aussi, à oublier que l’herbe est certainement bien plus mercurée et bromée dans le jardin d’à côté. Tant que vous n’avez pas vu par vous-même les dégâts provoqués par l’industrie du textile, comment pourriez-vous en mesurer l’impact ? Bien sûr, dans l’idée, vous n’êtes pas contre « faire mieux », mais de là à prendre le temps de repenser vos habitudes…
Mais alors, que diriez-vous si vous appreniez que ces composés chimiques dangereux ne s’étaient pas totalement dissous dans l’air, déversés dans les eaux ou répandus dans des cultures d’inconnus à l’autre bout du monde, si vous appreniez que les vêtements que vous achetez en sont farcis ?
Un rapport sans appel
L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a rendu tout récemment, en avril 2018, un rapport qui aurait de quoi faire réfléchir (en libre consultation ici)… Ce rapport s’appuie sur l’analyse de 25 articles textiles d’habillement neufs prélevés dans des enseignes textiles grand public. Voici quelques-unes de leurs conclusions :
- La 1,4-paraphénylène diamine (PPD), substance sensibilisante par contact cutané et inhalation, reconnue toxique, a été retrouvée dans 20% des articles testés. Cette substance est par ailleurs interdite en Europe depuis 2005 dans tous les produits cosmétiques (hors colorations pour cheveux foncées).
- Présence du colorant allergène CI Disperse Yellow 23, dont les effets irritants sur la peau sont connus depuis un demi-siècle. La réglementation européenne limite l’utilisation de tels colorants mais, en raison de leur faible coût, ils continuent à être très régulièrement utilisés dans de nombreux pays et passent la douane sans difficulté une fois « accrochés » au vêtement.
- Les métaux lourds (cobalt, cuivre, antimoine, plomb, cadmium, mercure, chrome, nickel) ont été retrouvés dans 20% des échantillons. La dangerosité des métaux lourds n’est plus à démontrer, ils sont accusés de causer des dommages sur les organes vitaux (reins, foie) et d’être pour certains de puissants neurotoxiques.
- Les nonylphénols (NP) et nonylphénols éthoxylates (NPEO), perturbateurs endocriniens reconnus, ont été quantifiés dans 20% des échantillons. En 2015, compte tenu de leur dangerosité, l’Union Européenne a décidé qu’ils ne pourraient plus figurer dans les textiles qu’à l’état de trace (0,01% du poids de l’article), et ce à partir de 2021. Il leur en faut du temps…
Ça en fait des produits toxiques dans nos vêtements ! Les frottements, la transpiration et les variations de température en font en plus des conditions propices au transfert de ces composés chimiques avec notre peau. Mon article « Lingerie : attention aux toxiques » abordait d’ailleurs le sujet spécifique des sous-vêtements, cette zone à muqueuses si merveilleusement perméable.
Selon un rapport de Greenpeace de 2005 (en libre consultation ici), une grande partie de ces polluants passerait dans le sang maternel et serait retrouvée dans le cordon ombilical. De quoi bien commencer dans la vie !
Vêtements toxiques : des solutions !
Voici les solutions que je vous propose pour fuir tous ces toxiques :
1. Privilégier des matières naturelles certifiées et des vêtements simples
La meilleure façon d’éviter les substances chimiques reste d’éviter les fibres synthétiques issues de la pétrochimie (polyester, acrylique, polyamide, élasthanne, etc) et de s’orienter plutôt vers des matières naturelles. Encore faut-il que celles-ci n’aient reçu ni pesticides pour la culture de la fibre, ni traitements chimiques agressifs dans le processus de production du textile…
a. Culture de la fibre : le coton bio labellisé GOTS, le lin et le chanvre cultivés en Europe et le Tencel sont des fibres textiles à privilégier pour éviter les résidus de pesticides sur ses vêtements.
b. Traitements : le label Oeko-Tex 100 garantit la non-toxicité des teintures et traitements qui ont pu survenir dans la chaîne de production du vêtement. De manière plus générale, un vêtement entièrement fabriqué en Europe (ce qui est difficilement traçable) sera en théorie moins toxique car davantage soumis à réglementations et contrôles.
2. Laver vos vêtements avant de les porter
Mieux vaut laver ses vêtements une ou deux fois avant de les porter pour la première fois, ou bien les faire tremper quelques temps afin de les faire dégorger. Le rapport de l’ANSES alerte cependant sur le fait que les lavages peuvent libérer des PPD en cassant la structure moléculaire des substances chimiques en présence.
3. Acheter des vêtements de seconde main
Acheter des vêtements de seconde main (je vous en parlais ici et ici) permet d’acheter des vêtements qui ont déjà été portés et lavés plusieurs fois, et donc dépourvus de la plupart des polluants présents sur les vêtements neufs. Acheter des vêtements d’occasion est aussi, bien sûr, une super solution économique et écologique !
Il serait peut-être également plus sage d’éviter les vêtements aux propriétés extraordinaires de type « infroissable », « intachable », « anti-transpirant » ou « imperméable », ainsi que les couleurs très vives ou les surimpressions en plastique.
J’espère que cet article vous aura plu et qu’il vous aura éclairé sur les dangers potentiels de nos vêtements. Vous sentez-vous prêts à changer vos habitudes ?
*** Céline ***
Bonjour,
Avec petit bout à venir, je m’inquiète pour lui. Pour ma part, j’ai toujours acheté occasion et depuis 2 ans du bio d’occasion. Par simple précaution, n’ayant pas trouvé de chiffres, ni informations précises concernant les résidus toxiques persistants dans les vêtements d’occasion non bio, je souhaitais faire de même pour lui… mais difficile de s’y tenir avec la pression autour ! Auriez-vous de la documentation à ce propos pour me rassurer… ou me déterminer dans mon choix ?
Merci merci
Bonjour Clémentine,
Je ne connais pas d’étude sur le sujet… Le mieux pourrait être de mêler les deux options : de continuer à acheter d’occasion mais de privilégier des vêtements et des matières sans risque, comme le coton bio !
il n’ y a pas que pour les vetements ! la nocivité allergisante (urticaire, ecxema, rhinite, asthme) de tous les produits fongicides appliqués généreusement par tous les fabricants de meubles, textiles, vêtements, chaussures pour la conservation en stock ou pendant le transport , contre les moisissures est maintenant bien connue : La prévention des risques des fongicides : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/risque-chimique/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=69&dossid=529
Encore un article intéressant et pertinent !
Je te rejoins totalement sur le fait que la population ne réagit pas/n’agit pas tant qu’elle n’est pas au contact direct de ces informations, que son porte-monnaie n’en est pas influencé, etc. Prenons l’exemple du réchauffement climatique, de la dette écologique qui ne fait que grandir, beaucoup ne réagissent pas. Et lorsque l’on voit voit l’impact de la hausse du carburant avec les événements qui se préparent le 17 novembre prochain…
Bref je m’évader, pour en revenir au sujet, je te remercie d’avoir fait le point sur cette étude d’avril et de nous avoir partagé quelques pistes pour éviter ces composés toxiques. Pour ma part, je n’ai acheté quasi que de seconde main cette année.
Belle soirée Céline.
À bientôt,
Quand je travaillais pour une enseigne de fast fashion, j’étais souvent dégoûtée rien que par l’odeur de chimique quand on déballe les livraisons… Sans parler du sur-emballage des produits… Ça fait plaisir de voir que des alternatives se développent chaque jour 🙂
Oui le personnel des enseignes de prêt-à-porter est tout particulièrement exposé…