Le grand départ des soldes Hiver 2019 a sonné, et avec lui les cris d’hystérie et les crêpages de chignons en bonne et due forme. Certains attendent ce moment avec impatience pour acheter ce dont ils ont besoin, d’autres considèrent que c’est une période idéale pour organiser quelques virées shopping sympathiques à moindre frais.
J’ai longtemps fait partie de la deuxième équipe. Toujours heureuse de faire des bonnes affaires et de dégoter de jolies choses pendant les soldes. Des choses dont je n’avais pas nécessairement besoin mais qui, indéniablement, me plaisaient et me comblaient sur l’instant. J’en étais même arrivée à me dire qu’acheter un vêtement plein tarif était une très mauvaise idée. Les soldes sont tellement outrancières parfois, avec des étiquettes à -50% ou -70%, que j’en avais conclu que les marques se fichaient de nous avec leurs prix le reste de l’année.
Vous vous en doutez, ma vision des choses a bien changé. Mon engagement pour une mode plus éthique et écoresponsable m’a amenée à me questionner davantage, et ce sont ces réflexions que je voudrais vous partager.
Petite histoire des soldes
À l’époque de nos grands-mères, et même de leurs propres grands-mères, les soldes servaient à écouler les stocks d’invendus. Les commerçants faisaient alors un effort sur leurs marges puisque, de toute évidence, ils n’auraient pas vendu ces pièces qui n’intéressaient personne à leur prix initial.
À cette époque, les vêtements vendus en France étaient fabriqués, par commodité et en grande majorité, en France. Le prix des vêtements était également tout autre en comparaison du coût de la vie : dans la classe moyenne, on économisait pour s’offrir un ou deux ensembles par an.
À cette époque toujours, les vêtements n’étaient pas fabriqués à l’autre bout du monde dans des usines gigantesques et sans âme, au détriment de la santé des ouvriers et des principes écologiques les plus élémentaires. Les marges des commerçants étaient aussi bien inférieures, n’ayant pas la possibilité de réduire autant leurs coûts (pas d’économies d’échelle, pas de chaînes de production, pas de salaires au ras des pâquerettes).
Du dernier recours à l’opportunité
Les soldes d’aujourd’hui s’inscrivent dans un tout autre contexte. Elles ne servent plus à vendre des stocks en surplus, mais à faire du chiffre d’affaires. Ce qui était au départ un dernier recours est devenu une opportunité.
Aujourd’hui, les commerçants ne sont plus des commerçants, mais de grandes enseignes multinationales. Les couturières ne sont plus françaises, mais originaires d’Asie ou d’Afrique de l’Est. Les vêtements en soldes ne sont pas des invendus, mais des stocks stratégiquement gardés pour cette période clé de l’année.
N’oublions pas que les soldes représentent aujourd’hui 20% du chiffre d’affaires annuel des magasins. Ce qui était au départ un revenu à la marge pour écouler les stocks s’est en fait transformé en véritable aubaine.
Pour en arriver là, la stratégie était toute trouvée : gonfler les prix des collections en fonction du prix des soldes et miser très fort sur la communication pour inciter à l’achat, compulsif si possible.
Une bonne affaire, vraiment ?
Au départ, les soldes représentaient réellement une bonne affaire car les commerçants vendaient quasiment à perte. L’acheteur se procurait le bien quasiment à son coût de revient, c’est-à-dire à ce que le commerçant avait dépensé pour l’avoir sur son étal (on dit alors que la marge du commerçant est nulle). Et ça c’est une bonne affaire. Acheter un bien à sa juste valeur, voire légèrement en dessous.
Pour savoir si on fait une bonne affaire, il faut comparer la valeur d’achat du bien avec son coût de revient. Il n’y a pas d’autres façons de calculer une bonne affaire.
Penser faire une bonne affaire en faisant les soldes aujourd’hui est un non-sens. Les pourcentages clignotent, mais ce ne sont que des pourcentages calculés sur les prix finaux fixés librement par les marques et, comme dit plus haut, gonflés pour avoir l’air intéressants au moment des soldes. Même avec des prix bas, les marges des grandes enseignes restent énormes et, rassurez-vous, elles sont loin de vendre à perte !
Pas de soldes
Zara marge encore beaucoup sur un T-shirt en soldes à 7€, ce qui signifie que le coût de revient de ce T-shirt est bien inférieur à 7€ (probablement autour de 0,5€). Ce coût de revient excessivement faible implique des choses pour lesquelles, j’en suis sûre, vous êtes foncièrement en désaccord : exploitation d’autres êtres humains, surproduction, produits chimiques déversés dans les sols et les eaux, transport à l’autre bout du monde, pesticide à gogo dans les champs de coton… Tout a été calculé au millimètre pour réduire les coûts et augmenter les marges.
En face, il y a les enseignes de mode éthique qui ne peuvent pas faire de soldes parce que leurs marges sont déjà réduites au maximum pour correspondre au plus près aux prix fixés par Zara et auxquels nous sommes habitués. Si on était au paragraphe précédent sur la bonne affaire, on pourrait presque dire que certaines marques de mode éthique ne vendent que des bonnes affaires, à des prix parfaitement justes toute l’année, avec des marges compressées au possible. D’ailleurs, certaines choisissent de faire des petites soldes pour réellement écouler leurs invendus, alors à bon entendeur… Mais passons.
Si ces marques ne font pas de soldes pour garder la tête hors de l’eau, elles le font aussi par militantisme. Car le principe même des soldes comme opération stratégique est basé sur une maximisation des marges commerciales au détriment de l’éthique et des principaux enjeux environnementaux. Car c’est un peu, aussi, prendre les acheteurs pour des pigeons qui ne font plus la différence entre le prix, le coût de revient et la valeur des choses (on en parlait déjà ici).
Alors moi, de mon côté, je ne fais plus les soldes. Je ne remplis plus mes sacs de fausses bonnes affaires dont je n’ai pas besoin.
Et vous, vous faîtes les soldes cette année ?
*** Céline ***
Bonjour Céline,
Je viens de parcourir quelques articles de ton blog, vraiment intéressant ! Je suis contente de ma découverte. J’ai pris comme résolution depuis quelque mois de devenir écologique côté dressing aussi et donc d’arrêter le fast-fashion. Mais franchement c’est très dur de trouver une marque éthique- qui fait des belles choses et qui ont une taille de +44, donc ça rend la démarche plus difficile ! ( je suis entrain de baver devant flolove tellement c’est beau !)
Bonjour Carine ! Merci beaucoup, c’est adorable ! C’est vrai que ça rajoute une difficulté, mais on n’est pas non plus sans solution ! Si tu veux, j’ai créé le critère « Big size friendly » dans le Générateur de Marqu’IZ pour identifier les marques qui proposent des vêtements éthiques pour 44 et plus ! C’est par ici : https://www.iznowgood.com/generateur-de-marquiz/
Mais je suis d’accord, vivement que la mode éthique se diversifie pour les grandes tailles !
Moi j’ai profité des soldes pour acheter des vêtements proposés par des enseignes de mode éthique découvertes grâce à ton blog (article sur les sous vêtements) et au générateur de Marqu’IZ (pour un pull).
Merci pour tes articles !
Oh oooh super !!! Je suis bien contente d’avoir joué aux entremetteuses 🙂
Merci pour cet article une fois de plus Céline, c’est tout à fait ça ! De mon côté j’ai pris pour habitude de m’habiller en seconde main et pour moi c’est une manière de pouvoir m’offrir de jolies choses à un prix raisonnable tout en passant par un autre circuit, et puis de temps en temps je m’offre une jolie pièce auprès de petits créateurs comme moi qui fabriquent en France et si possible éthique.
Et en ce qui concerne mon activité, je propose des petites réductions comme en ce moment d’ailleurs: 15 % sur 4 de mes collections, j’ai très peu de stock mais j’ai aussi envie de faire plaisir à mes clients et leur montrer que je fait un effort à mon échelle 🙂
C’est compliqué car quand on fabrique tout en France avec une matière première éthique, notre coût de revient est bien plus important mais j’essaye toujours de calculer un prix juste pour mes clients et pour faire vivre mon atelier.
Au plaisir de te lire à nouveau, Cendrine