BILAN LECTURE #3

Vous le savez peut-être, nous avons fait un tour de près de 1 600 km à vélo en Mongolie cet été ! Si nos journées étaient évidemment consacrées au pédalage, nos longues soirées ont été propices à la lecture ! J’ai fait de superbes découvertes livresques que je voudrais vous partager !

Imaginez donc : une tente, des jambes pleines de poussière, parfois une lampe frontale sur la tête, les vastes plaines de la steppe mongole aux alentours et l’esprit serein et détendu de quelqu’un qui a pédalé toute la journée…

Une odyssée : Un père, un fils, une épopée

Daniel Mendelsohn

Résumé : Daniel Mendelsohn est professeur de lettres classiques à l’Université et spécialiste de l’étude des récits homériques. L’Iliade et l’Odyssée n’ont, a priori, aucun secret pour lui. Un beau jour, son père, professeur de maths à la retraite, carré et méthodique, avec une aversion particulière pour l’imprévu, lui demande de participer en tant qu’étudiant à son séminaire sur l’Odyssée. Il se mettra dans un coin de la salle, et promet de se faire discret.

♥  Mon avis : J’ai tellement aimé la lecture de ce bouquin que j’ai repoussé autant que possible son dénouement. Je ne voulais pas que ça s’arrête, c’était trop bon. Il s’agit d’un roman autobiographique, ce qui, je trouve, rajoute de l’intensité aux mots et aux réflexions de l’auteur. C’est à travers ce prisme que l’on participe à toutes les séances du séminaire et que l’on décortique avec les élèves chaque passage de l’Odyssée. À la fin du livre, c’est simple, vous en savez presque autant qu’eux sur l’œuvre. Quelle richesse !

Mais Une Odysée, c’est avant tout l’histoire d’une relation père-fils. D’un fils qui cherche à comprendre son père, à le connaître. Comme Télémaque voudrait le faire avec Ulysse dès les premiers vers du poème. Les parallèles entre l’œuvre et les personnages sont omniprésents et toujours habillement amenés. La plume de l’auteur (aidée par celle de la traductrice bien sûr) est exceptionnelle et on se plonge à corps perdu et avec délice dans les interrogations cérébrales et névrosées, mais profondément émouvantes, de ce professeur érudit et passionné.

Ma note : 5/5

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Le cœur cousu

Carole Martinez

Résumé : Frasquita Carasco est une femme forte et colorée. Elle a un don pour la couture et tout ce qu’elle touche de ses aiguilles revêt une aura magique, comme élevé à un niveau supérieur de grâce ou de divin. Ce don, qui lui est propre, lui vient de loin, de l’héritage de générations de femmes transmetteuses et relais des savoirs du passé. Frasquita a 5 enfants, Anita, Angela, Pedro, Martirio et Clara. Tous, ont un don eux aussi. Un jour, parjurée, honteuse, elle fuit Santavela, sa rudesse et ses superstitions, et la folie de son mari. S’ensuit une longue traversée du désert dans sa robe de noce avec sa charrette et ses 5 enfants.

♥  Mon avis : Le cœur cousu est un véritable conte, avec toute la poésie et les allégories que cela implique. J’ai pleuré à chaudes charmes, de joie et de douleur, j’ai ri aussi. J’ai rêvé, je me suis révoltée. C’est indéniablement beau, plein de couleurs. C’est le genre de bouquin que l’on peut lire 100 fois sans se lasser et toujours déceler quelque chose de neuf. Une profondeur que l’on n’aurait pas saisie aux premières lectures.

Comme dans tout conte, il y a des leçons à tirer. Sur l’Art, comme arme massive anti-folie et névrose. Sur le courage qu’il faut pour accepter d’être qui l’on est dans le brouhaha des médisances et des qu’en-dira-t-on. La transgression et l’émancipation de la tradition. Sur l’identité, sur ce qui nous rend unique. Sur la société patriarcale. Sur la transmission filiale… C’est tellement riche, tellement beau !

Ma note : 5/5

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La femme gelée

Annie Ernaux

Résumé : La femme gelée est un récit autobiographique amer et carrément cinglant. L’auteure y retrace sa vie de femme : d’une gamine élevée dans une famille non conventionnelle, un papa au fourneau et une maman à la compta, une égalité des tâches qui ne se questionne même pas, à sa vie de femme mariée, engluée dans le système patriarcal.

♥  Mon avis : Annie Ernaux n’y va pas de main morte, ni avec elle-même, ni avec le système qui l’a ligotée sans qu’elle ne s’en aperçoive et n’ait pu faire quoi que soit. Pour échapper au cadre rigide du patriarcat, elle partait pourtant avec un modèle fort, celui de ses parents, elle avait fait de grandes études et beaucoup réfléchi et théorisé sur ces thématiques, elle avait choisi un mari qui partageait ses grandes idées d’égalité homme-femme. Mais lentement, insidieusement, les inégalités s’installent et ceux qui croyaient s’en détacher finissent par participer à leur tour à la transmission du modèle. Le constat tiré par l’auteure est douloureux et rageant. Elle s’observe sombrer dans tout ce qu’elle a toujours haï.

Tout commence par deux étudiants qui travaillent dans le salon, tous deux très concentrés. La bouilloire se met à siffler dans la cuisine. Qui se lève ?

C’est, selon moi, un livre à mettre entre toutes les mains. C’est juste, sans chichi, presque parlé. Profondément féministe, il pose les bonnes questions et dynamite à coups de plume acerbe le système patriarcal qui ne mérite pas mieux.

Ma note : 5/5

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Le motel du Voyeur

Gay Talese

Résumé : Gay Talese, auteur à succès de récits de non-fiction (c’est-à-dire d’histoires vraies) reçoit un jour un courrier d’un certain Gerald Foos. Celui-ci lui raconte avoir acquis un motel dans le Colorado dans les années 50 pour espionner ses clients. Il lui affirme avoir tout consigné par écrit, plus de 20 ans d’observations, et ainsi posséder une vision claire de ce qu’il se passe dans l’intimité d’un couple américain sur plusieurs décennies. Il explique détenir là des informations uniques puisque ses clients ne se savaient pas observés, à la différence de toutes les enquêtes officielles. Gerald Foos désire confier ses écrits à l’écrivain pour qu’il les publie… Ce qu’il s’empresse de faire 20 ans après, dès qu’il obtient l’autorisation d’utiliser la véritable identité du voyeur !

♥  Mon avis : C’est en écoutant la chronique littéraire de Juliette Arnaux sur France Inter que ce livre a directement atterri dans ma pile à lire. J’ai trouvé ça totalement dingue ! Je voulais moi aussi connaître les conclusions des observations de ce charmant monsieur, je voulais savoir ce qu’il se passait dans l’intimité des autres. Je voulais être voyeur… par procuration !

Hormis le fait de vouloir savoir, je trouvais aussi cette histoire géniale ! Un mec a observé des gens faire l’amour, faire pipi, s’aimer et s’engueuler pendant plus de 30 ans, il a tout mis par écrit, et puis il a voulu que tout ça soit publié, pour la Science.

L’auteur nous délivre pas mal d’extraits des notes de Gerald Foos, mais pas suffisamment à mon goût. J’aurais finalement préféré avoir l’intégralité des observations pour en faire ma propre analyse. J’ai le sentiment que Gay Talese me propose une version édulcorée et elle me laisse un peu sur ma faim, un peu comme s’il ne nous fournissait que les conclusions et que nous n’avions pas assez d’éléments empiriques pour réellement y croire. De plus, la plume de l’auteur, facile et un peu pataude, ne m’a particulièrement emballée.

Le sujet, je crois, méritait mieux ! Mais sacré sujet quand même !   

Ma note : 3/5

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Et puis nous avons fini par rejoindre Oulan-Bator et par vendre nos vélos… Un nouveau cycle de lecture a alors commencé, mais ça, ce sera pour le prochain bilan !

*** Céline ***

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