Je suis en plein dans la lecture de Beauté fatale de Mona Chollet, une lecture féministe qui bouscule parce qu’elle met le doigt sur les injonctions à la beauté. Si je trouve toujours le ton de l’auteure un brin condescendant, et parfois même un peu brutal, ses écrits poussent ma réflexion plus loin, au-delà de l’acquis.
Et figurez-vous que, cette fois-ci, ils ont même ébranlé quelque peu la conception que je me faisais de ma présence sur internet, et de ma façon d’être et d’agir sur le blog et Instagram. Le marketing y est pointé du doigt comme le grand fléau du siècle, celui qui, en racontant des histoires fabuleuses, cantonne la femme à un rôle de bel objet. Les égéries incarnent l’image de la marque, et en choisissant de signer pour la représenter, elles acceptent que leur corps soit un argument pour vendre ses produits. Vous vous en doutez, le parallèle est vite fait avec les blogueuses mode…
Les blogueuses mode, selon l’auteure, participent elles aussi à raconter l’histoire de la marque et à quel point cet article, celui-là précisément, participe à un épanouissement général. “Je l’aime tant”, “je ne le quitte plus”, “la plus belle chose au monde”. Les magazines, les publicités, les blogueuses mode, tous participent à ériger les objets comme étant des choses à posséder absolument pour être heureux, et surtout validé socialement. Pour être “in”, dans le cercle de ceux qui consomment.
Alors, évidemment, je me sens concernée. Parce que, moi aussi, en me servant de mon corps pour mettre en avant des produits au travers de photos, je participe à ce système. Moi aussi, en me servant de mes mots pour créer un bel univers autour des marques que je souhaite soutenir, je participe à faire oublier qu’il s’agit simplement là de faire se rencontrer quelqu’un qui veut vendre, et quelqu’un qui pourrait potentiellement acheter. Je joue le jeu du marketing, des belles histoires. Et pour ne rien arranger, mon lectorat est essentiellement féminin.
La schizophrénie du blogueur consciencieux
Toute l’ambivalence – pour ne pas parler de schizophrénie – d’une blogueuse qui cherche à proposer des alternatives pour consommer mieux, tout en étant persuadée qu’il faut, pour le salut de tous, absolument consommer moins, est là. Comment se distancier des codes existant ? Me voilà donc avec de la matière à réfléchir, n’hésitez pas à m’éclairer de vos lanternes.
Toujours est-il que je ne compte pas arrêter de mettre en avant les marques qui proposent un nouveau modèle, plus durable et vertueux. Pour côtoyer le processus de création de certaines de suffisamment près, c’est très dur de faire les choses bien dans un monde où tous, fournisseurs, marques et consommateurs, nous avons tout à réapprendre au sujet de ce qui est “juste”. C’est une bataille constante, qui mérite d’être soutenue.
Le Générateur de Marqu’IZ, mon moteur de recherche de marques de mode éthique, est le plus bel exemple, je trouve, de ma volonté de mettre en lumière les efforts qui sont faits, et de faire se rencontrer ceux qui vendent, et ceux qui souhaitent acheter en conscience. C’était aussi le souhait d’Inès quand elle a choisi de créer Kernelle : donner de la visibilité aux marques émergentes qui proposent un modèle en rupture avec celui de la mode d’aujourd’hui.
Kernelle, boutique multi-marques de mode éthique
Kernelle rassemble ainsi des petites marques sélectionnées à la fois pour leur style un peu chic et trendy, et leur démarche : créations rares et limitées, modèles soignés et de qualité, traçabilité assurée, tissus recyclés, circuits courts et prix justes.
Les marques présentes sur la plateforme ont un engagement à la fois social (avec une production majoritairement localisée en France, sinon européenne) et environnemental (tissus upcyclés ou écologiques/certifiés biologiques). Pour Inès, comme pour moi, la transparence est le maître-mot et un critère essentiel dans le choix de ses partenaires. Elle est persuadée elle aussi que pour construire un nouveau modèle, il faut permettre au consommateur de faire des choix conscients et éclairés.
Le pantalon que je porte sur les photos est vendu sur la boutique, il vient de Atelier Orion, une marque qui fabrique en France et qui utilise des restes de tissus upcyclés de grandes maisons de mode pour concevoir les pièces. Je l’adore – vous voyez, on y revient aux expressions des magazines ! Il représente bien le style de Kernelle, je trouve : une belle pièce de mode intemporelle et non-soumise à la tendance. Une proposition pour s’habiller pour qui l’on est et non pas pour qui l’on voudrait être, ou pour qui les autres voudraient que l’on soit.
Est-ce que ce ne serait pas, d’ailleurs, une réponse au consumérisme qui aliène la femme et son corps ? Choisir ce qui parle de nous, oser s’exprimer par ses choix, laisser tomber la tendance qui parle de tout le monde et de personne à la fois, pour ne plus parler que de soi. Oser exprimer son propre message, son histoire et sa personnalité. Soutenir des marques qui promeuvent et croient en ce modèle. Construire un modèle de production et de consommation respectueux de ceux qui produisent et de ceux qui consomment. Et pourquoi pas ?
*** Céline ***
*Cet article est écrit en partenariat avec Kernelle, merci beaucoup !
Je pense vraiment que le corps n’est plus objet quand on décide vraiment de ce qu’on en fait. Tu choisis tout : les marques que tu représentes, les poses que tu prends, les vêtements, le maquillage, la coiffure, les valeurs soutenues… C’est une très belle façon d’incarner et d’aider une marque qui le mérite. Ce n’est absolument pas être une “femme objet” à mes yeux, bien au contraire ! Je te remercie grandement Céline, pour tes mots toujours si justes, si bienveillants… <3
C’est un très bel article Céline. De part ta démarche écologique et féministe que ce soit au niveau de ton travail ou dans ta vie de tous les jours, tu prônes un mode de vie conscient et minimaliste. Tu te remets perpétuellement en question et c’est cela qui fait une de tes forces et qui te permets de toujours proposer un contenu de grande qualité. Je suis très heureuse de te suivre et cela va continuer longtemps. Je te souhaite un doux week-end. Pauline
Mais l’idée même d’utiliser nos vêtements pour représenter qui on est (si tant est qu’il y ait une seule réponse à cette question) n’est-elle pas elle-même une construction sociale et un argument marketing ? Je me pose cette question étant en pleine réflexion sur ma garde-robe. Je constate que depuis que j’ai déserté Instagram, j’ai beaucoup moins envie d’acheter. Et bien sûr, le confinement aide puisque je ne sors pas beaucoup. Quand j’y retourne occasionnellement, il me fait l’effet d’une véritable plateforme publicitaire. Par rapport aux vêtements, j’identifie les vrais besoins, et une fois que c’est fait, je n’arrive pas totalement à me départir de cette envie de correspondre à un certain style. Même si je tente de privilégier la seconde main, je trouve ça tout de même utile de pouvoir aller sur ton site pour identifier les marques éthiques. Et les vidéos que tu proposes sur les décryptages des marques sont vraiment très intéressantes. Mais pour une blogueuse green, le paradoxe entre donner une information utile pour un choix éclairé et contribuer au système de consommation ne doit pas être évident à résoudre. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une bonne réponse à cette question, c’est à chacun et chacune de trouver son compromis.
Merci pour cet article Céline 🙂