Laissez moi vous raconter l’histoire d’un jean. Une histoire de famille, de petits garçons qui ont grandi dans les toiles de coton. Celle-ci, je vous le dis, elle n’est pas cousue de fil blanc. De fil en aiguille, nous remontons le temps. Asseyez-vous en tailleur et ne perdez pas le fil.
1892. Chez les Dufourg
En 1892, tôt le matin, Joseph Dufourg marche d’un bon pas vers les terres qu’il cultive. Votre métier ? Laboureur, qu’ils disent. On est à Sainte-Marie-de-Gosse, en plein cœur du département des Landes.
La légende raconte qu’il avait les yeux bleus. Un bleu très clair qui l’obligeait à froncer d’un bloc tout son visage quand le soleil tapait fort.
Joseph est veuf et fraîchement remarié à la belle Marguerite. Ils auront 6 enfants. François, l’aîné, deviendra sabotier, c’est de lui que je descends. Joseph, c’est mon arrière arrière grand-père. Joseph et Marguerite sont les grands-parents de mon grand-père.
1892. Chez les Tuffery
Cette même année, à 500 km de là, Célestin Tuffery ouvre un atelier de confection à Florac, dans les Cévennes. Il a à peine 17 ans, mais il voit loin. Il crée un pantalon de travail fonctionnel et robuste, teint à l’indigo. Avec de grands ciseaux, il coupe dans la toile de Nîmes, une toile de coton à armure de serge, avec des gestes experts. Sur la côte Ouest américaine paraît-il, un certain Levi Strauss fait déjà un tabac avec ses pantalons de travail à rivets. Le jean n’en est qu’à ses balbutiements. Il s’apprête à conquérir le monde.
Chez les Tuffery, les enfants grandissent au milieu de l’atelier et du petit bruit sourd et régulier des machines à coudre. Jean-Alphonse, le fils de Célestin, reprend le flambeau dans les années 30, avant de le passer à son tour à ses propres enfants. C’est une histoire de famille, une passion qui se transmet dans les doigts et le geste. L’atelier dans les Cévennes grandit, sa renommée est nationale. Le bruit court, on fait des jeans de qualité chez les Tuffery !
Dans les années 60, toutes les stars de cinéma paradent en jean. Le monde se les arrache. Atelier Tuffery emploie jusqu’à 40 couturières pour produire 500 jeans par jour !
Les années 80 sonnent le glas de la confection française. Les entreprises délocalisent là où la main d’œuvre est moins chère. Mais les Tuffery sont têtus, ils s’accrochent. Ils deviennent les derniers et uniques fabricants de jeans français. Leur confection est alors confidentielle et réservée à un public averti et sensible à ce savoir-faire historique.
Et maintenant ?
1892. Presque 100 ans plus tard, la petite Céline arrivait ! Trente ans plus tard encore, elle n’avait jamais entendu parler de Joseph, son aïeul, ni de ses 6 enfants, mais elle avait conscience qu’à son époque à lui, la mode était bien plus raisonnée.
À Annecy, en septembre dernier, elle s’est retrouvée à la même table que Julien, le petit dernier des Tuffery, et Myriam, sa femme. Ils ont repris le flambeau, et la flamme est toujours aussi vive.
Elle brille même d’un autre reflet, elle est pleine de promesses, pleine d’engagements. Julien et Myriam ont compris l’absolue nécessité de repenser la mode. Ils ont compris que leur savoir-faire et leur histoire étaient précieux, et ils ont aussi compris qu’ils pouvaient aller encore plus loin. Apporter leur touche, celle d’une nouvelle génération plus engagée et responsable.
Made in Cévennes
Et punaise, ils font fort. L’atelier dans les Cévennes est labellisé Entreprise du Patrimoine Vivant, une récompense pour leur savoir-faire d’exception. Leurs jeans sont certifiés Origine France Garantie (mon récap sur les labels, c’est par ici).
Pour ne jamais créer de routine, les artisans tailleurs changent très régulièrement de poste de travail, tout le monde touche à tout, et personne ne travaille à la chaîne. Et ça, assurément, ça fait des jeans heureux ! Il paraîtrait même qu’il y a yoga tous les matins à l’atelier…
Chez les Tuffery, il y a très peu de stock, la production suit la demande, en flux tendu. Il n’y a donc jamais de surstock à écouler, et donc jamais de soldes ou de promotions.
La transparence comme on aime
Julien et Myriam travaillent aussi beaucoup sur l’impact environnemental de leurs jeans.
Par le choix des matières d’abord. Nos jeans à tous les deux sont 100% coton bio certifiés GOTS. Ils incorporent aussi du chanvre européen, avec l’ambition qu’il soit cultivé à 100% dans les Cévennes. L’origine de chaque détail des jeans est précisé dans les fiches produits. Par exemple, la toile de nos jeans est italienne, notre braguette espagnole et nos boutons en cuivre recyclé ! Ils s’engagent à limiter la présence d’élasthanne, fibre synthétique très largement répandue d’ordinaire dans les jeans, et dont la dégradation au lavage inonde peu à peu les océans de micro-plastiques (on en parlait ici).
Leur démarche de transparence concerne aussi le prix. Et là, c’est le pompon. Ils construisent un prix juste, tellement juste qu’ils communiquent fièrement sur leur marge. Une façon de tendre la main au consommateur pour avancer ensemble dans l’élaboration d’une mode plus juste et durable.
Nos jeans à nous
Nous, c’est clair, on est conquis. Et tous les deux ! Ceux qui me suivent sur Instagram savent à quel point David est exigeant et minimaliste dans ses choix vestimentaires. Il faut non seulement quelque chose qui corresponde à ses critères écologiques – là, vous l’aurez compris, on y est – mais aussi quelque chose qui soit beau et confortable, et qui résiste au temps (élément essentiel). Son jean Alphonse coche tout.
Quant à mon jean Marthe, taille haute et coupe mom, je suis ravie ! J’ai pris ma taille habituelle (36) et il me va parfaitement, même en longueur. Figurez-vous qu’il a même été fabriqué par Norbert, l’oncle de Julien et le fils de Jean-Alphonse. Vous me suivez ?
Beaucoup d’entre vous m’ont écrit pour me parler de leur durabilité, du fait qu’ils allaient nous suivre encore bien longtemps. Il paraîtrait même qu’ils s’embellissent en vieillissant ! Je vous dirai ça dans les prochains mois !
Cher Célestin, vous pouvez être fier de la relève ! Et vous, mon cher Joseph, j’espère ne pas trop vous décevoir non plus.
*** Céline ***
* Cet article est écrit en partenariat avec Atelier Tuffery. Merci de soutenir mon travail et de lui accorder une valeur !
Bonjour Céline,
Merci d’abord pour ton travail 🙂
Je me demandais est-ce que c’est ce jean Alphonse que ton David a aussi craqué au bout d’un an ?
Je cherche pour mon mari (un David aussi:D) le jean parfait car il souhaite un jean écologiquement responsable et c’est une épopée (j’ai regardé ton article à propos de cette marque aussi mais comme ils ne font pas pour homme, ça ne peut pas le faire en terme de taille).
Merci par avance et bonne journée !
Coucou Laurane,
Oui malheureusement le jean de David s’est déchiré entre les cuisses au bout d’un an… Atelier Tuffery assure des réparations à vie, mais quand la déchirure n’est pas sur la couture, le seul moyen est souvent de rapiécer.
Le mien est toujours nickel en revanche, mais David a toujours eu ce problème avec ses jeans. Du coup il a investi dans un jean Bolids’ter en Armalith (comme Epopées), on espère que celui-ci va tenir !
Merci pour ton retour Céline 🙂
Bien sympa cet article.
Mon homme et moi adorons nos premiers jean Tuffery. On ne peut pas encore dire pour la durabilité, car ils sont trop récents. Coté confort et coupe c’est top.
J’ai un Augusta et le suivant sera un Marthe (coton bio j’espère pour l’instant il n’est pas en stock et je dois économiser), le désirée aussi me fait de l’oeil mais là ça sera pour bien plus tard.
Mon homme est ravi de son Alphonse, et en aimerait un en chanvre.
Et comme je t’ai en commentaire sur instagram, ils sont super sympa!
L’échange est super facile aussi.
Fidèle cliente des jeans Tuffery depuis 3 ans j’ai plusieurs de leurs modèle et j’en suis très contente et mon mari aussi! J’ai aimé le ton de ton article et les belles photos. Merci Céline